Monday 8 January 2007

Avant, j'étais pour la peine de mort - Joaquin Martinez - innocent and freed from Florida death row

27-11-2006

Avant, j'étais pour la peine de mort


De nationalité espagnole, Joaquin José Martinez a passé une partie de sa vie aux Etats-Unis. Le 28 janvier 1996, il est arrêté, et accusé du meurtre du fils du shérif de Brandon, en Floride, et de sa compagne. Interrogé, puis immédiatement mis sous les barreaux, il sera condamné à la peine capitale. Toutes les preuves scientifiques le donnaient pourtant innocent. Il passera trois ans dans le couloir de la mort, avant que son deuxième procès ne révèle de graves erreurs judiciaires, auxquelles se sont ajoutés faux témoignages et manipulations de preuves. José Joaquin Martinez est libre depuis le 7 juin 2001.

ECPM : Qu’est-ce qui a été, pour vous, le plus difficile, au cours de cette terrible expérience ?
Le plus difficile, c'était d'être enfermé et loin des miens, de ma famille. Ce n'était pas tant le fait d'être condamné à mort, que le fait de ne pas avoir la liberté de voir mes parents.
Je suis resté en prison cinq ans au total. Quand les gens me posent des questions, je leur dit que pour se rendre compte de ce que cela veut dire, ils n'ont qu'à effacer tout le bonheur qu'ils ont eu pendant les cinq dernières années de leur vie, les fêtes, les anniversaires, tout ce qu'ils ont vécu de beau. Et qu'ils le remplacent par le pire cauchemar. Cela, ils le comprennent bien.

ECPM : Avez-vous le sentiment d’avoir changé après ce passage dans les couloirs de la mort ?
Avant, j'étais partisan de la peine de mort. La manière dont elle est présentée aux Etats-Unis ne laisse pas vraiment le choix. Aujourd'hui, le débat s'ouvre un peu, mais à l'époque, s’opposer à la peine de mort, c’était presque être un révolutionnaire, et c’était s’en prendre au gouvernement et aux fondements mêmes du pays. Moi, j'évoluais dans le monde de l'entreprise, et j'étais presque obligé de dire que j'étais pour la peine de mort - même si je n'en étais pas convaincu - simplement parce que c’est une question qui déchaîne les passions.
Depuis, les choses ont changé. Des amis à moi ont été exécutés. J'ai vu l'autre visage de ces hommes, je les ai vus comme des personnes, comme des fils, comme des pères de famille. J'ai partagé les moments qu'ils ont passés avec leurs familles, des moments humains. Et je trouve cela tellement dommage. Ils ne devraient pas subir cela. Cela me touche énormément, cela m'affecte beaucoup.

ECPM : Qu’est-ce qui vous a permis d’échapper à l’exécution ?
Ma famille et le soutien de tous, de toute l'Espagne, il y a eu tellement de gens! Je ne sais pas par où je devrais commencer… Toutes les associations, le Parlement européen, le roi d'Espagne, et même le Pape Jean-Paul II…J'ai eu beaucoup de chance.

ECPM : Depuis votre libération, vous vous êtes engagé dans le combat contre la peine de mort.
Mon père avait fondé une association, mais je n'ai pas pu continuer son œuvre. En revanche, je suis présent dès qu’on me sollicite pour une conférence ou pour témoigner. Peu de gens peuvent me comprendre. C’est une expérience qui a changé ma vie. Mais je parle, et ma concubine m’aide énormément en ce sens.

ECPM : Etes-vous parvenu à dépasser cette expérience, comment vous sentez-vous aujourd’hui ?
Sur le plan personnel, je suis rétabli, récupéré, malgré ces 3 ans passés dans le couloir de la mort, et malgré la mort de mon père, qui m'a beaucoup affectée. Mais globalement, je suis stable, je travaille. Je voyage énormément pour des conférences sur la peine de mort, en Italie, en Belgique, et surtout en Espagne, où les gens connaissent mon histoire et l'ont suivie de près. Malgré tout, je sens quand même parfois que, sur le plan psychologique, il reste quelques séquelles de cette expérience.

ECPM : Que souhaiteriez-vous dire aux partisans de la peine capitale ?
Je leur dirais que moi-même, j'étais en faveur de la peine de mort. Mais ce n'est pas une solution. Les gens trouvent toujours un moyen de justifier la peine capitale dans les affaires de meurtre. Mais elle cause toujours plus de tristesse, plus de problèmes, et plus de victimes.
Je suis un très bon exemple. Je dis aux gens: « que ferais-tu si cela t'arrivait à toi? A un de tes proches? ». Mon père a été renversé par une moto il y a quelques années. Un jeune garçon de 17 ans la conduisait. Jamais je n'ai ressenti ce sentiment de revanche et de haine qu'on voit chez certains. Personne ne devrait être en faveur de la peine de mort.

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